Gérer et promouvoir un fonds photographique
Compte rendu des tables rondes organisées par l’APFP
Sur ce thème et ces questions, l’Association pour la promotion des fonds photographiques a tenu réunion le jeudi 15 octobre dernier, de 10h à 13h30, dans l’auditorium de la Maison européenne de la photographie à Paris.
La jauge en vigueur limitait à 40 le nombre des participants avec port du masque et distanciation physique. Parmi eux, de nombreux photographes, comme Hervé Gloagen, Jane-Evelyn Atwood, Bernard, le fils d’Édouard Boubat, ou Camille, la fille de Thibaut Cuisset, s’étaient déplacés.
Dans son introduction, Françoise Denoyelle, présidente de l’APFP, expliqua le cadre et le but de cette réunion : confronter des expériences en dehors de tout cadre administratif ou officiel afin que la parole puisse s’exprimer librement.
Dans ce but une première table ronde, modérée par la présidente, réunissait mesdames Josette Gautrand et Isabelle Marquis.
Confrontées à un décès récent, elles ont évoqué les problèmes administratifs auxquels elles furent confrontées. Mais aussi comment continuer à faire vivre un fonds. Heureusement, l’une comme l’autre avaient travaillé plus ou moins longtemps avec le photographe de son vivant.
Ce n’est pas toujours le cas. Françoise Denoyelle a souligné que, trop souvent dans les successions, les héritiers sont contraints de libérer rapidement les lieux de vie et d’habitation en ne sachant quoi faire d’un fonds qui prend trop de place.
En dehors de la valorisation du fonds furent également évoquées les questions des archives autres que photographiques, les numérisations, les tirages et retirages ou encore la vente de tirages photographiques (vintages ou pas).
La seconde table ronde, modérée par Véronique Figini, trésorière de l’APFP, réunissait Catherine Riboud, Lorène Durret, directrice de l’Association des amis de Marc Riboud, et Martin Garanger. Les premières rompues à la gestion d’un fonds important en définirent les contours et les problématiques de diffusion.
Profondément marqué par la succession difficile de son ami Ernst Haas, qui avait abouti à la division du fonds en deux parties, Marc Riboud, de son vivant, avait clairement défini par testament sa destination.
Rebuté par plusieurs propositions officielles, il avait trouvé avec le Centre Pompidou, d’une part, et le musée Guimet, d’autre part, des solutions encadrées par Catherine Riboud et l’Association des amis de Marc Riboud, pour sa mise en valeur, que ce soit sur le plan des expositions ou de l’édition.
Martin Garanger, quant à lui, continue le travail qu’il exerçait déjà avec son père : tirages, diffusion. Mission confiée verbalement du vivant de son père et en accord avec la succession. Une tâche énorme puisqu’il se trouve à gérer 2,6 millions de négatifs et surtout de diapositives. Sans oublier toutes les archives concernant l’implication de son père dans les organisations professionnelles : présidences de l’ANPPM, de l’UPC ou co-création de la SAIF…
Après une série de questions concernant les numérisations, la propriété des scans et les nombreuses questions juridiques qui se posent, Denis Rouillard, président de l’association PACE, exposa les difficultés rencontrées par l’ex-galerie du Château d’eau qu’elle gérait à Toulouse.
Dans sa conclusion, Bernard Perrine, secrétaire général de l’APFP, souligna que si l’on retrouve des conditions et un cadre juridique commun, chaque situation recèle ses particularités propres. On a pu le déceler à travers les exposés des participants des deux tables rondes ; mais surtout, comme l’a mentionné Françoise Denoyelle, à travers des situations plus préoccupantes. Si madame Bauret a pu conserver le fonds de Jean-François Bauret dans ses locaux d’origine avant de le confier au musée Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône, il n’en fut pas de même pour les fonds de Pierre Jahan, d’Yvette Troispoux et bien d’autres.
Évoquant le nombre de demandes émanant de photographes se questionnant sur l’avenir de leurs fonds, Françoise Denoyelle rappela également qu’il n’y avait pas que les grandes institutions qui étaient susceptibles d’accueillir des fonds photographiques. Parfois des instances régionales bien équipées et moins sollicitées peuvent être préférables car l’intérêt de la proximité évitera une mise en sommeil.
On peut citer le travail de Jean-Baptiste Leroux sur les jardins de la Principauté de Monaco qui a ainsi rejoint les collections princières.
Par ailleurs, devant les nombreuses interventions concernant les numérisations, il convient de mettre en garde sur les buts, les intérêts, la qualité des scans, l’environnement juridique concernant la propriété intellectuelle et les risques de piratage.
Il en va de même pour la diffusion, qui dépend essentiellement du contenu du fonds, et de la vente de tirages, qui oblige à avoir une information sur le marché des tirages photographiques et ses évolutions.
Pour terminer, Bernard Perrine conclut sur une note réconfortante en soulignant que nous étions encore dans les générations de la photographie argentique. En effet, les problèmes seront beaucoup plus compliqués quand les successions seront à la tête de fichiers numériques ou de disques durs.
Car, en dehors des onéreuses duplications obligatoires pour éviter les disparitions, des mises à jour seront nécessaires pour pouvoir continuer à visualiser et à exploiter ces fonds lorsque les logiciels évoluent, mais surtout lorsque les ordinateurs adapteront les technologies quantiques et que les stockages deviendront atomiques.
On peut alors penser que tout fichier non tiré sur un support pérenne sera appelé à disparaître.
À 13h30, la présidente leva la séance et les participants furent invités à visiter les expositions accrochées sur les cimaises de la Maison européenne de la photographie.
Bernard Perrine